top of page

Narrache, Jean (Emile Coderre) 1893-1970

 

"La vie, quoique feignent d’en penser tant de gens, n’est pas un don mirifique dont il faille tant se réjouir.  Après tout,

n’avons-nous pas tous été condamnés à la vie sans avoir eu la moindre chance d’en appeler de cette terrible sentence."

Né à Montréal, Émile Coderre a beau être fils de pharmacien, petit-fils de notaire, avoir comme oncle maternel un

homme d’affaires influent, il a partagé le sort des pauvres en devenant à cinq ans orphelin de père et de mère.  Adopté

par d’humbles membres de sa famille, aidé par un grand-oncle curé, il a fait ses études classiques au petit séminaire de

Nicolet pour plus tard devenir pharmacien sur le Plateau-Mont-Royal, puis à Saint-Henri, avant de travailler comme voyageur de commerce.

À seize ans, il fonde au collège de Nicolet, où il poursuit ses études, un journal humoristique intitulé Le Mercredi, qu’il rédige seul et à la main. Déjà, à cette époque, sa santé est si fragile que chaque période de travail un peu intense devait être suivie d’un repos prolongé.  Si bien qu’au début de son mariage, avec Rose-Marie Tassé, le couple passe trois ans à Notre-Dame-du-Portage pour tâcher de refaire ses forces.
Après l'obtention de son diplôme de pharmacien, en 1919, il devient publicitaire pour une compagnie de peinture.

En 1922, alors qu’il est membre de l'École littéraire de Montréal, il publie son premier recueil en alexandrin, Les Signes sur le Sable est publié.

Le couple mène une vie calme et retiré, protégée peut-être des dures réalités de la vie.  Un beau jour, Émile dit à Rose-Marie : "Allons dans l’est de la ville et voir comment vivent les gens".  À partir de ce moment, il y retourne régulièrement, observant les gens.  Il commence à rédiger ses poèmes qu’il dédie aux gars de la misère.

Il est très lié avec le poète et romancier Robert Choquette, et, avec lui, il collabore à plusieurs émissions radiophoniques.  La première fut Les trois mousquetaires qui passe sur les ondes de CKAC en 1932 puis, à Radio-Canada, ce fut une série de sketchs: Ovide et Cyprien.  C’est ce même Robert Choquette qui l’encourage  à publier ses poèmes inspirés de la vie et la misère de tous les jours.  Ces œuvres se situent à mi-chemin entre la chanson et le conte récitatif. 

Quand j'parl'tout seul (1932); J'parl' pour parler... Poésies (1938); Bonjour, les gars! et Vers ramanchés et pièces nouvelles (1948); J'parl'tout seul quand Jean Narrache (1961); Jean Narrache chez le diable(1963); Rêveries de Jean Narrache (s.d., n.p.).  En 1932, il reçoit la médaille d'argent de la Société des poètes canadiens-français.

Émile Coderre sous le pseudonyme de Jean Narrache, rêve depuis longtemps de trouver un interprète digne de son texte.  Il le  trouve, en 1942, en la personne de Paul Corbeil, nouveau directeur des programmes à CKAC, il est lui-même chanteur et comédien.  Le Vagabond qui chante, la nouvelle émission du poste CKAC, met en vedette Paul Corbeil, qui dit d'une voix franche et réjouissante le texte de Jean Narrache. Pendant près de trente ans, Paul Corbeil est la voix de Jean Narrache, autant à la radio que sur disque.
Il fut secrétaire du Collège des pharmaciens du Québec  de 1945-1961, et collabore à différents périodiques: La Revue moderne, La Grande Revue. 

Pendant plus de dix ans, il signe une chronique intitulée J'parl' pour parler dans La Patrie du Dimanche.

En 1962, Paul-Émile Corbeil enregistre trois microsillons, soit toute l'œuvre de Jean Narrache, dont plusieurs poèmes inédits.  Le premier de ces microsillons paraît à la fin de 1962 sous le titre Le Temps de Noël puis du Jour de l'An.  Quant aux deux autres, Le Temps de Pâques et Le Temps des Semences pis des Vacances, ils sont sur le marché au début de 1963.
Extrait d’un article signé Pierre Lefebvre, 1946, Radiomonde:
"…Mais occupons-nous maintenant de quelques-unes de ces émissions des deux genres. Je veux d’abord signaler aux auditeurs que chaque jeudi soir, à 10h. 15, Mlle Estelle Mauffette récite avec l’art qu’on lui connaît quelques poèmes canadiens.  Évidemment, ce genre d’émissions ne peut intéresser qu’une partie de l’auditoire de la radio, mais il est indéniable que cette partie a droit, autant que les autres, d’avoir quelques émissions selon ses goûts.  Les auditeurs moins lettrés pourront quant à eux, se divertir en écoutant Jean Narrache à 8h30, le même soir et au même poste.  I
l y a environ dix ans, Jean Narrache a obtenu un très grand succès en librairie et à la radio. Ce succès était mérité, car cet auteur avait trouvé une veine nouvelle (nouvelle au Canada, du moins) en empruntant le langage, ou plutôt  le mauvais langage de tous les jours, pour raconter les réflexions d’un pauvre gueux devant les contradictions de ce monde.  Mais une façon pareille de composer risque toujours de devenir vulgaire, et il me semble que Jean Narrache joue dangereusement avec ce risque.  Le langage populaire qui se parle à Montréal se prête mal à la littérature: c’est un français simplifié, fortement coupé de syntaxe et de termes anglais, et qui sort comme à regret des bouches les plus molles qui se trouvent  dans l’humanité parlante; de plus, notre « slang français » est loin d’avoir le pittoresque et la couleur du parler populaire de Paris ou de Marseille: Chaque fois que j’entends Jean Narrache parler dans cette langue grisâtre, chaque fois que je l'entends énoncer systématiquement nos pires anglicismes et nos barbarismes les plus criants, je sens comme une espèce de gêne humiliée. Je trouve qu'il est mal de nous rappeler ainsi que nous sommes un peuple qui parle à la diable. On a déjà dit qu’on juge de la civilisation d’un peuple d'après la langue qu’il parle; il me semble donc qu'il serait mieux d'améliorer notre langage que de l'admirer simplement parce qu'il est de “chez nous’’….

Toute sa vie, Jean Narrache vit dans l’ombre de ses amis poètes Albert Lozeau, Valdombre (Claude-Henri Grignon), Jovette Bernier, Alphonse Désilets et Plamondon et eux essaient de l’en faire sortir.

Il écrivait chaque jour, n’importe où, à table, au salon, dans un petit cahier.  Il écrivait pour ces gens là qu’il avait découverts au cours de ses promenades dans l’est.

 

Marginal, profondément pessimiste et persuadé d'être poursuivi par quelque funeste destin, Jean Narrache trouvait vraisemblablement un exutoire à ses troubles intérieurs dans la composition de textes qui évoquent la misère des humbles gens de son entourage et imitent leur façon de parler.

On laisse entendre que, peut-être que Gratien Gélinas se serait inspiré de Jean Narrache lorsqu’il a créé Tit-Coq.

La mort d' Émile Coderre, alias Jean Narrache, le 6 avril 1970 à l’âge de 77 ans, passe pratiquement inaperçue.  Il s’en est allé comme il a vécu.  On annonce son décès, le
présentant comme pharmacien, ce qu’il était, mais sans aucune allusion à sa qualité d’écrivain et de poète sortant de l’ordinaire.

Extrait tiré du recueil de vers humoristique « Quand j’parl’ tout seul »:

Notre fête nationale P.91

C’t’aujourd’hui la Saint-Jean-Baptiste,
C’est l’jour qu’on promèn’ notr’ mouton :
Faut qu’le peupl’ canayen s’réjouisse
D’avoir un Juif pour son patron.

L’mouton c’est notre emblèm’, bondance!
Ça nous ressembl’ comm’ deux goutt’s d’eau.
Ça suit toujours, ça pas d’défense,
Ça s’laiss’ manger la lain’ su’ l’dos.
 
C’est ça notr’ grand patriotisse :
Des mots, du vent pis des drapeaux,
Pis, mêm’ ces drapeaux-là, torvisse ! 
Vienn’nt d’chez Eaton de Toronto!


Discographie partielle:

Les temps des fêtes dit par le vagabond / Maisonneuve / M-17006 / 1957

Sources:

1932 Revue Dominicaine, décembre, P. 704
1942 Radiomonde, 24 janvier, P. 3
1946 Radiomonde, 10 août, P. 5, Pierre Lefebvre
1962 Télé-Radiomonde, 17 novembre, P. 7, Phil Laframboise
1970 Le Bien Public, 11 septembre, P. 2
2015 Le Devoir, 30 mai, P. F1. 4, Michel Lapierre

Maisonneuve  M-17006     1957 

Jean_Narrrache_Le_temps_des_fêtes.jpg
Jean_Narrrache_Le_temps_des_fêtes2.jpg
Rêves inutiles - Jean Narrache
00:00 / 00:00
index_edited.jpg

Trans-Canada TC 782 1972

JEan Narrache_edited.jpg
Jean Narrache Poême de _edited.jpg
V'là les élections - Jean Narrache
00:00 / 00:00
bottom of page