top of page

Guilda (né Jean Guida de Mortellaro) (1924-2012)

 

Né à Paris le 21 juin 1924, "Mon père était riche , hélas! et comte italien".  Il ne laisse à son  fils que ce titre de

noblesse.  La mère française est une chanteuse d’opéra que sa famille, despotique, met en demeure de choisir entre son

mari et sa carrière.  "Ma grand-mère maternelle était d’une férocité inouïe.  Je me souviens qu’elle obligeait mon père à

s'asseoir une rangée derrière quand elle accompagnait mes parents au théâtre."  En 1932, les Guida connaissent la ruine

financière. Le comte italien se retrouve au volant d’un taxi. Pour son fils Jean, qui a treize ans, commence la longue et

lourde chaîne de vingt métiers différents.

À l’âge de quatorze ans, il se retrouve à Monte-Carlo où il fait l’apprentissage de la danse de ballet.  "J’aime autant vous le dire j’étais un très mauvais danseur"
.  Il apprend diverses techniques liées au spectacle : maquillage, cascade et figuration.  Pendant la Seconde Guerre mondiale, il échappe à différentes rafles même que sa tête est mise à prix par la Gestapo parce qu’il cachait des juifs.  À la fin de la guerre, en 1945, il se retrouve sur le plateau du tournage du film Les enfants du Paradis  de Marcel Carné.  C‘est à partir de ce moment qu’il prend goût au déguisement.  On lui demande de changer de costume une douzaine de fois.  Autant de costumes, autant de rôles de figurants.  Pour lui, c'est le début d’une carrière sans précédent.

Par la suite, il fait à nouveau des spectacles.  On le remarque pour la facilité qu'il a à imiter des femmes. Il y prendra goût et cultivera ce talent. Son nom de scène fait allusion à son patronyme, Guida, et au film Gilda (1946) mettant en vedette Rita Hayworth.  Or un jour, on tournait le film La femme coupé en deux et il fallait trouver un interprète capable de jouer Babette, l’un des plus célèbres hommes-femmes.  Il passe une audition et il est choisi .  C’est à la suite de ce film qu’il a pensé monter un numéro pour le music-hall.

Remarqué par un propriétaire de cabaret, il y exécute des spectacles dont il devient la tête d'affiche.  Cela l'amène à se produire en Afrique du Nord et en Italie.  Guilda qui est un travailleur infatigable étudia Mistinguett, surveilla tous ses gestes et mouvements, si bien, qu’un jour, il parvint à rendre sur la scène des tableaux et des images qui rappellent réellement et avec beaucoup de ressemblance la fameuse Mistinguett.  Mistinguett le prend sous son aile; Guilda devient sa doublure et son habilleuse et ce  pendant six ans.  En 1951, il l'accompagne en tournée internationale qui passe par Montréal, entre autres.  C'est à lui qu'un jour Mistinguett dit "Jean, vous êtes la seule personne qui pouvez m'imiter au temps de ma jeunesse."  Une anecdote rapporte qu’elle était folle de joie d’avoir découvert un homme qui puisse la remplacer…parce qu’elle était extrêmement jalouse des femmes.

 

De retour en France, il monte son propre spectacle et connaît un succès suffisamment important pour effectuer une tournée solo en Amérique du Nord.  À l'expiration de son visa de travail aux États-Unis, il s'établit à Montréal en 1955.  Son spectacle est remarqué par une animatrice de télévision et lui vaut une entrevue qui crée un engouement instantané pour Guilda.  C’est à cette époque que le maire Jean Drapeau, se joint à Pacifique (Pax) Plante et entame une croisade, dite de la moralité, contre la prostitution à Montréal.  Les policiers font alors de fréquentes interventions dans les cabarets pour mettre fin à ce commerce, ce qui amène la fermeture de plusieurs cabarets montréalais.
 

Guilda est une célébrité des cabarets de Montréal et une des plus grandes vedettes à l'époque, ce qui montre une certaine ouverture d'esprit de la société québécoise de l’époque.  À la suite de son succès au Québec, il fait des tournées un peu partout au Canada.
 

En 1958, Guilda, qui est au Canada depuis sept ans et attend son certificat de citoyenneté canadienne, a décidé de faire sa rentrée en Europe. "On m’avait dit que l’art du travesti avait perdu sa popularité en Europe, J’ai voulu aller le constater par moi-même. C’est un peu vrai et c’est pourquoi je compte entrer là-bas sur un pont d’or".
 

En 1962, Yvan Dufresne prend en main la destinée de Guilda.  Il vient de lui organiser une tournée de quatre mois en France.  À leurs retour, en plus de rapporter les contrats pour la future tournée, Guilda rapporte dans ses bagages, et ceux d’Yvan Dufresne, des centaines de “panaches” que Mistinguett a laissés à Guilda a sa mort, et d'autres ayant appartenu à Lili Jeanmaire, à Line Renaud, à Annie Cordy, à Marlène Dietrich, qui les lui ont donnés en guise de porte-bonheur.  L’année suivante, en 1963, Jean Guida devient citoyen Canadien.
 

Après une série de représentations qui aura duré deux mois à la Casa Loma, la revue de Guilda s’apprête à quitter Montréal pour Miami et par la suite Las Vegas.  C’est une tournée qui est prévue pour au moins deux mois.
 

Une conférence de presse des plus inusitées a lieu à la résidence de Guilda.  Un spectacle aura lieu à la Place des Arts les 9, 10 et 11 avril 1965, salle qui, à l’époque, est réservée aux vedettes étrangères de passage à Montréal.
 

Dans une entrevue qu’il donne au début de l’année 1965, on devine, de par le ton, un Guilda aigri face au monde de la radio, du théâtre et de la télé.  "Y a-t-il quelqu'un d'autre que moi qu'on ait plus condamné au Québec, sans vouloir bien le connaître ? Moi, je suis la pauvresse des vulgaires vaudevilles de nuit. On m'interdit les scènes du grand music-hall (que j'ai dans la peau)... On ne me bouderait pas, on ne me traiterait pas en pestiféré si j'étais un de ces jeunes chanteurs hystériques qui tiennent la première page des journaux."
 

En 1969, en collaboration avec le journal Télé-Radiomonde, Guilda lance un appel à toutes jeunes femmes et jeunes hommes qui possèdent un physique presque identique à son célèbre personnage, et à Jean Guida, dans l’espoir de trouver des sosies qui partageraient avec lui la vedette d’un film dont il signe le scénario.  Guilda investit une somme d’argent considérable, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il voit à tous les détails techniques et à la mise en marché.  "Les gens veulent rire, j'ai donc écrit  une histoire d’espionnage délirante dans le milieu du spectacle."  Ce projet de film n’a, malheureusement, jamais vu le jour.
 

À la question d’un journaliste  "Un travesti c’est quoi ?" Guilda  répond, "C’est très simple IL faut avoir un père italien et une mère française, avoir été bercé à l'âge de trois ans, par Joséphine Baker au rythme de "J’ai deux amours...", avoir étudié le ballet classique à Monte Carie, avoir doublé la comédienne Mireille Balin, et la grande Mistinguett qui avait peur de descendre les escaliers et se faire dire par Edith Piaf: '"Tu as tous les talents mon petit, fonce!"
 

C’est facile d'exercer ce métier? "Pour moi, ça n'a pas été facile. J'ai été le premier travesti en Italie, à Rome, imaginez! la ville du pape. J'ai été le premier travesti professionnel en Afrique.  Au début, au Canada, on me faisait des difficultés.  Je n’avais pas le droit de me produire dans les endroits où on vendait de l'alcool.  J'imagine qu'on craignait qu'un homme avec un coup dans le nez me prenne pour une belle femme. Aujourd'hui, ça va, mais je vous assure que j'en ai pris des coups dans la gueule, au figuré".
 

La vie de travestis n’est pas toujours rose et le travesti numéro 1 du Québec, Jean Guilda, en sait quelque chose. Depuis qu’il a débuté sa carrière en ce domaine, il est confronté à deux personnes en une: lui, le Jean Guilda de tous les jours, et elle, La Guilda que des milliers de personnes ont vue sur différentes scènes du Québec.  Jean Guilda a donc toujours été coincé dans ce dilemme de deux personnalités. Jean Guilda avoue qu’il a même pensé au suicide car il ne pouvait accepter ses deux personnes qui l’habitaient. Il dit: “Elle (Guilda) vit sa vie, je (Jean Guilda) vis la mienne.  Je me suis tapé trois dépressions à cause d'elle et j'ai été angoissé au point de vouloir en finir avec la vie.  Un jour, un psychiatre m’a dit: ``Vous êtes mieux de la détruire sinon c’est elle qui vous détruira à moins que vous décidiez de l’accepter".  "Dès ce jour jour j’ai compris qu’il fallait l’accepter, vivre avec elle et ne plus être obsédé par sa présence. Aujourd’hui, j’ai réglé ce problème mais Dieu sait à quel prix."
 

La publication, en 1977, de son livre Guilda, Elle et moi lui ouvre une nouvelle porte.  Une porte très importante pour sa carrière déjà bien établie, une porte que Guilda n’a pas encore poussée, celle du cinéma.  Un projet de film sur sa vie de travesti.  Comme Guilda se plaît à le dire "Un genre de Rocky mais au lieu de traiter de la boxe, il s’agira du monde du spectacle tel que je l’ai vécu." Malheureusement, encore une fois,  le projet ne voit pas le jour.

Et voilà qu'à 61 ans, et après avoir interprété le rôle du Chevalier d'Éon dans les Grands Esprits, à la télévision de Radio-Canada, superbe interprétation, les critiques ont été impressionnés par son jeu et il ont vu que derrière Guilda il y avait un acteur.
 

Guilda a décidé de laisser peu à peu le music-hall et de revenir à son premier métier, celui de comédien, tout en mettant Guilda à contribution Il a donc reprit le texte d’un sketche qu'il avait écrit dans les années 1960, l'a retravaillé un peu et le résultat c'est  Qui a vendu la mèche?.  En 1959-60, il avait écrit une petite comédie, Arsenic et vieilles sauterelles, qui faisait 45 minutes et qu’il aviat présentée au Théâtre National.  Il y avait dans ce texte des éléments fort intéressants.  Il en a fait un boulevard québécois, une comédie qui met en présence des Français et des Québécois. 
 

À l’été de 1994, à l’âge de 70 ans, c'est au tour de l’homme de prendre la vedette, encore une fois au théâtre, dans la pièce Tel père tel fils au Théâtre de l’Héritier, à Saint-Augustin-de-Desmaures.  C’est la grande comédienne Béatrice Picard qui en fait la mise en scène.  "J’ai pensé à Jean Guilda même si nous n’avions jamais travaillé ensemble. Il a accepté avec joie."
 

"Un jour, j’étais en Gaspésie, complètement perdu," raconte-t'il. "Il n’y avait plus de route. J’aperçois une maison et je me dis que je pourrais y demander mon chemin. Une femme sort sur le perron, me regarde et dit : “Eh, mais c’est Guilda !’’ ».  « Si on me reconnaissait même à cet endroit-là, ça voulait dire qu’on me connaissait partout au Québec. C’est le plus beau compliment que j’ai jamais eu."  C’était il y a plusieurs années.  Guilda n’est plus la reine du showbiz québécois, mais elle est encore le travesti le plus connu du Québec, la référence.  Souvent on lui fait des offres pour elle, aux États-Unis, mais ça ne l'intéresse pas.  "Je ne serais qu’un poisson dans l’océan là-bas, alors qu’ici je reste une vedette.".
 

À 75 ans, Guilda fait encore des jalouses "Mon fan club est en train de mourir de vieillesse, dit-il en riant, mais je me vois très bien continuer à présenter des revues après 80 ans.",
 

On annonce, à la fin de l’année 2002, un projet (un autre) pour une série télévisée de six heures racontant la vie de Jean Guilda, l’homme qui a interprété des personnages de femmes fatales pendant des décennies sans pour autant s’identifier comme travesti.  Le tournage devrait débuter à la fin de 2003 et nécessitera un investissement de plus de cinq millions.  Guilda veut laisser une belle image de sa carrière et c’est pourquoi il exige d’avoir un droit de regard sur le scénario et le choix des comédiens.

 

Radio-Canada a refusé le projet de télésérie de six heures sur la vie du personnificateur féminin Jean Guilda.   Il n’y a pas eu de suite à ce projet, il est probablement dans un tiroir quelque part dans un bureau de production où, un jour,  quelqu’un va le trouver et se diras "On devrait faire une série sur ce bonhomme là"
 

Il a quand même réussi à faire du cinéma; malheureusement ce n’est  pas celui qu’il aurait voulu faire.  Mis a part Les enfants du paradis et  La femme coupé en deux,  il enchaîne les petits rôles dans des productions québécoise dans les années 1970, L’amour humain, Pousse, mais pousse égal et Y’a toujours moyen de moyenner et, son dernier rôle, celui d’un travesti-cascadeur, dans la production américaine Blazing Magnum.
 

Le 27 juin 2012, Jean Guilda nous quitte à l'âge de 88 ans. Avec lui s’éteignent une icône de la culture populaire et un précurseur de la diversité sexuelle, ayant transgressé nombre de tabous.  Le Québec de l’époque de Manda Parent, Gilles Latulippe et Juliette Pétrie a adopté ce personnage tout en glamour, en paillettes et en faux cils.  Il était un singulier fantaisiste qui s’appropriait une ultime féminité, souvent grivois, mais jamais vulgaire.
 

« il y’a  deux choses essentielles dans la vie de Guilda.  Le public d’abord, parce que sans public tu te noies. Et les faux cils. Sans faux cils, Guilda n’est rien… »

Liste sommaire des artistes avec qui elle/il a travaillé dans des émissions et films, qui sont nommés sur ce site:

Berval, Paul: (1973) "Y a toujours moyen de moyenner!".
Desrochers, Clémence: (1973) "Y a toujours moyen de moyenner!".
Gamache, Marcel
: 1975 le film "Pousse mais pousse égal".
Latulippe, Gilles: dans les années 1980 souvent a l'affiche au Théâtre des Variétées;
(1973) "Y a toujours moyen de moyenner!"; (1975) "Pousse mais pousse égall".
Légaré, Ovila:1970 le film "L'amour humain".
Pierre Labelle/ René Angelill: 1972 le film "L'apparition".
Michel. Dominique: (1973) "Y a toujours moyen de moyenner!".
Moreau, Jean-Guy: (1973) "Y a toujours moyen de moyenner!".
Noël, Michel: (1975) "Pousse mais pousse égal".
Claude Meunier/ Serge Thérriaul: (1981) Bye Bye Bonne année Roger.

Discographie partielle;

Guilda, un femme pas comme les autres…? / Rusticana / RMM 626 / 1962
Guilda chante …Guilda / Rusticana / CKL-1211 / 1965
Guilda!.. Vol. 3 / La Compagnie de disque France-Canada/  FCL 33-005/ 1966

Sources:

1956 Le Petit Journal, 5 février, Roland Coté
1956 Radiomonde et Télémonde, 17 mars, P. 10
1962 La Patrie du dimanche, 14 janvier, P. 2  P.L.
1962 Photo-Journal - tout par l'image, 13 janvier, P. 4
1963 Photo-Journal - tout par l'image, 1 juin, P. 21
1964 Télé-Radiomonde, 29 août, P. 23
1965 Télé-Radiomonde, 13 mars, P. 25
1965 Photo-Journal- tout par l'image, 21 avril, P. 3. 6
1969 Télé-Radiomonde, 4 octobre, P. 15, Pierre Nadeau
1977 Le Soleil, 6 août, P. C3, Louis, Guy Lemieux
1979 Télé-Radiomonde, 15 juillet, P. 11
1980 Télé-Radiomonde, 6 avril, P. 3, Pascal Lennad
1985 La Presse, 17 juillet, P. 3, Pascal Lennad

1985 La Presse, 20 juillet, P. C1. C4, Raymond Bernatchez
1994 La Tribune, 2 juillet, P. B3, P.C.
1994 Le Soleil, 18 juin, P. C9, Josée Lapointe
1998 La Presse, 13 octobre, P. C1, Jean Beaunoyer
2002 La Presse, 19 décembre, P. C1, Jean Beaunoyer
2003 Le Soleil, 24 juillet, P. B4, P.C.
2004 La Presse, 10 décembre, P. 2, A & S
2012 La Presse, 29 juin, P. 10, A&S, Sylvie St-Jacques
lI était une fois …Guilda, autobiographie illustrée  par Jean Guida édition P.P. Canada

 

Rusticana RMM 626    1962

guilda_edited.jpg
Guilda une femme pas comme les autres - Guilda
00:00 / 00:00

Rusticana  CKL-1211     1965

Guilda vol. 2 - Guilda
00:00 / 00:00

La Compagnie de disque France-Canada   FCL 33-005     1966

bottom of page