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Le Père Gédéon (Doris Lussier) (1918-1993)


C’est à Fontainebleau, dans les Cantons de l’Est que naît Doris Lussier le 15 juillet 1918, et ce petit village est le berceau

de son histoire. Devenu orphelin de père alors qu’il est en bas âge, c’est le remariage de sa mère qui l’amène à vivre à

Weedon et à devenir en quelque sorte un beauceron d’adoption. Ses premiers souvenirs d’enfance, nous assure-t-il, sont

des images d’amour et de joie alors qu’il profite des tendresses de sa famille élargie. Il affirmera même que c’est toute

l’affection reçue par celle-ci qui lui vaudra cette âme d’optimiste impénitent lui permettant de traverser si joyeusement

la vie.

Doris Lussier aura en effet un itinéraire humain des plus imprévisibles. Issu d’un milieu rural sans argent, aîné de famille nombreuse et de santé fragile, il ne doit, à la volonté de sa mère, d’accéder au monde du savoir en fréquentant le Séminaire de Québec qui est alors réservé aux seuls privilégiés. L’austérité du pensionnat lors de ses huit années de formation ne l’empêche pourtant pas de goûter aux joies de la connaissance et d’en apprécier la générosité du clergé enseignant. L’aventure s’amplifie encore à l’Université Laval lorsqu’il choisit, en 1940, les sciences sociales, une faculté progressiste que venait de fonder Georges-Henri Lévesque, un dominicain remarquable qui sera un peu l’âme de la Révolution tranquille. C’est donc sous l’inspiration de cet homme que se déroule sa carrière universitaire, car dès sa maîtrise obtenue, il devient secrétaire du père Lévesque (alors doyen) et pendant douze ans, il partage sa vie intellectuelle, ses lumières et ses combats; si bien qu’il le considère comme un père spirituel qui va également lui ouvrir le monde de l’enseignement. En 1950, il est promu professeur agrégé de cette même faculté.

Au milieu des joies intellectuelles des sciences sociales, Doris Lussier sent confusément un goût pour tout ce qui est théâtre, auteurs et spectacles. Aussi, en marge de l’Université, il écrit des sketchs humoristiques pour Radio-Canada et de nouveaux contacts l’incitent à créer un personnage haut en couleurs, sorte de synthèse de ses deux grands pères (Prospére Lussier et Jos Picard) et de quelques portraits du terroir beauceron : Le Père Gédéon.  Il fallait un professeur de philosophie pour inventer un personnage qui allait devenir légendaire en quelques semaines. Il fallait Le Père Gédéon pour arracher le professeur Lussier à sa chaire universitaire.

Doris Lussier abandonne sa chaire universitaire pour devenir comédien On est alors en 1954, dans les débuts de la télévision et le personnage devient vite célèbre par son intégration à La famille Plouffe de Roger Lemelin, émission très populaire où les québécois semblent enfin se reconnaître.  C’est en quelque sorte Roger Lemelin, auteur très prolifique, qui lui ouvre cette fois le monde artistique et l’amène à réorienter sa carrière. Petite précision technique et rendre à César ce qui appartient au Père Gédéon. Il y a l'oncle Gédéon de la télévision, dont Doris Lussier n’est que l'interprète et où les textes sont de Roger Lemelin. Il y a le Père Gédéon du cabaret, du music- hall et du disque, le vrai, dont Doris Lussier est entièrement l’auteur. Doris Lussier est l’inventeur du personnage et il l’a en quelque sorte prêté à Lemelin.

 
Que se soit à Montréal ou à Québec, en Ontario ou au États -Unis Le Père Gédéon se produit devant des salles combles tous les soirs.  Le salaire du professeur de philosophie économique passe de 5 000$ par année à cinq fois plus selon le magazine américain Time. 

Doris Lussier est catégorique Le Père Gédéon existe vraiment "J’en ai connu plusieurs comme lui, et c’est sur leur modèle que je l’ai créé. Pas besoin d’inventer. Je pense par exemple à ce vieux de chez nous qui célébrait son 85e anniversaire, et à qui on demandait ce qu’il souhaitait maintenant : "Ce que je souhaite, a-t-il répondu, c'est de mourir jeune à cent ans, tué par un mari jaloux ! " Le Père Gédéon n’aurait pas dit mieux."

Bien sûr, plusieurs de ses compositions artistiques, que ce soit à la télévision ou sur scène, touchent l’humour, mais il anime également des jeux-questionnaires, de même qu’il écrit des articles et des ouvrages comme Philosofolies, où on peut davantage reconnaître l’homme érudit qui s’interroge sur la vie.

Doris Lussier tourne trois courts métrages pour l’ONF( Office National du Film ) Les mains nettes(un film de Calude Jutras) et joue, en 1962, dans un film de Walt Disney, Big Red (Compagnon d’aventure) aux côtés d’Émile Genest  et Janette Bertrand.

Parallèlement à sa carrière artistique, Doris Lussier s’implique particulièrement dans le monde politique. Dès 1968, il suit René Lévesque au Mouvement Souveraineté-Association et, en 1970, il est candidat pour le Parti Québécois dans Matapédia.  L’année précédente ,il est le co-animateur aux cérémonies de la fête de la Confédération, à Ottawa.  D’ailleurs, il est largement critiqué par certains éléments péquistes pour avoir accepté ce contrat.

Même s’il n’est pas élu, la ferveur qui l’anime ne se dément pas et il continue de militer au sein de cette formation, aussi est-il très fier de présenter un René Lévesque victorieux le 15 novembre 1976 au Centre Paul-Sauvé.


Quand on lui demande de décrire son rôle au sein du P.Q.  il dit qu’il est d'abord, avant tout et seulement, un militant de la souveraineté.  Il est un des fondateurs du P.Q. mais il n'y tient pas de fonctions officielles, il jouis d'une belle liberté personnelle.  Donc, quand il a quelque chose à écrire à René Lévesque, il n’a qu'à prendre la plume.  Il n’a pas de ministère ou de «job» à protéger. "Je suis libre! Libre de dire au Premier ministre que le plus grand service qu'on puisse rendre au peuple québécois aujourd'hui, c'est de le convaincre qu'il doit consentir à sa libération politique. Libre ! Aussi de dire quelle est, d'après moi, la meilleure stratégie à adopter dans ce but, en vue de la campagne référendaire.  Ça n'engage personne d'autre que moi."

Tout au cours des décennies qui suivront, Doris Lussier poursuivra sa démarche intellectuelle en politique, il témoignera de son engagement en multipliant les prises de position dont nous rappelons ici la teneur : "La conclusion logique de la Révolution tranquille, c’est l’indépendance tranquille. Rater l’indépendance la veille de sa réalité, après quatre cents ans d’attente, c’est traverser l’océan pour échouer dans le port.
C’est à nous qu’il appartient aujourd’hui de décider si l’histoire du Québec que liront demain nos enfants sera celle de notre lucidité et de notre courage ou celle de notre démission
."

Doris Lussier, homme de parole, a été marié près de 40 ans, il a eu deux enfants et il est décédé le 28 octobre 1993 à Montréal avec, tout comme Félix Leclerc, "un pays planté dans le cœur... à jamais"!

Les citations et l’essentiel des éléments biographiques se retrouvent dans les œuvres de Doris Lussier réunis dans l’ouvrage Tout Doris, Les éditions internationales Alain Stanké, 1994.


Liste sommaire des artistes avec qui il a travaillé dans des émissions et films, qui sont nommés sur ce site:

Béliveau, Juliette
: (1953) série télé "La famille Plouffe"; (1956) "Grand'Ville P.Q.".
Blanchard, Claude: (1959-1961) "En haut de la pente douce"; (1967-1968) "Chez le père Gédéon".
Charlebois, Jeanne D’Arc: (1992) "Madame La Bolduc" .
Daigneault, Pierre: (1980) "Cordélia".
Desrochers, Clémence: 1953 série télé ""La famille Plouffe"".
Duceppe, Jean: (1980) dans le film "Cordelia"; (1953-1959) ""La famille Plouffe""; (1962-1963) "Le petit monde du Père Gédéon" .
Gamache, Marcel: (1956) "Grand'Ville P.Q..".
Gélinas, Gratien: 1953 série télé ""La famille Plouffe"".
Hudon, Normand: Dans les années 1960 Dessine les pochette des disques.
Légaré, Ovila: (1967-1968) "Chez le père Gédéon".
Michel. Dominique (1956) "Grand'Ville P.Q.."; (1959-1961) "En haut de la pente douce"; (1962-1963) "Le petit monde du Père Gédéon".
Pellerin, Gilles: (1953) série télé ""La famille Plouffe"".
Tex Lecor: (1959-1961) "En haut de la pente douce".

Discographie partielle
 

Le Père Gédéon dans son monologue “La partie de pelote” / MCA 17100 / 1959
Le Père Gédéon dans son 2ème monologue “On s’déBauce” / Apex / ALF-71803 / 1963

Le Père Gédéon Cultivateur, maître-Chantre / Apex /    ALF-71803 / 1968

Ça fait que…/ London / SDS-5136 / 1973
La drogue / London / SDS-5181 / 1975

Sources:

1950 Le Soleil, 11 mars, P. 3
1961 Le Soleil, 3 juin, P.6. 7. 8. 9, Eloi de Grandmont
1970 La Presse, 16 juin, P. 9
1972 La Presse, 14 septembre, P. C1, Yves Leclerc
1973 La Presse, 21 juillet , Télé-presse P. 3, Rudel Tessier

 

MCA Record  MCA 17100     1959

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Le Frère Manuel - Le Père Gédéon
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Apex ALF-71803     1961

On s'déBeauce - Le Père Gédéon
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London  SDS 5136     1973

Ça fait que - Le Père Gédéon
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Apex ALF-71803     1968

Cultivateur-Maitre chantre - Le Père Gédéon
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La drogue - Le Père Gédéon
00:00 / 00:00

London  SDS-5181     1975

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