La Poune (Rose-Alma Ouellette) (1903-1996)

Née à Montréal le 25 août 1903, dans le quartier ouvrier du Faubourg à M’lasse.  Sa mère Joséphine Lasanté eut vingt

et un enfants dont quatre seulement ne sont pas morts en bas âge.  Rose a six ans à la mort de son père, François

Ouellette.
 

Renvoyée de l’école primaire, qu’elle ne trouve déjà pas drôle, la future comique travaille un temps dans la chaussure,

jusqu’au jour où elle joue de l'accordéon à la manufacture où, là aussi, elle est congédiée.

Elle n’a que douze ans lorsqu’elle monte sur scène pour la première fois.  En cachette de sa mère, sa tante Mathilda l’incite à participer à un concours d’amateurs du Ouimetoscope. Elle chante Saluons les pauvres gueux.  Elle remporte le premier prix et en même temps attrape la piqûre des planches.
 

En 1917, à quatorze ans, elle obtient son premier contrat professionnel.  Elle est engagée pour chanter dans une revue du Théâtre National. Après avoir joué un certain nombre de rôles sérieux au Ouimetoscope et à la Lune Rousse, la voilà dans des revues et en tournée, avec les troupes de Fred Norman (Pointu Leblanc pour la scène) et Jean Nel. Mais un jour de remplacement dans le rôle principal, dans une robe trop grande, au moment d’une réplique supposément dramatique, la langue lui fourche et la salle croule de rire.  Ce jour-là, Rose Ouellette réalise que la comédie lui ira mieux.

Elle est engagée par le comédien et chanteur Paul Hébert pour jouer au King-Edward Palace des rôles de vaudeville de plus en plus importants. Au théâtre King Edward, elle rencontre Olivier Guimond père, alias Ti-Zoune, d’abord homme à tout faire mais bientôt l’âme de la troupe de Juliette et Arthur Pétrie. 
"Monsieur Guimond ne trouvait pas mon nom très efficace: Rose Ouellette n'avait rien d'accrocheur à cette époque ou la mode voulait que les comiques choisissent un surnom.  Casserole ne lui plaisait pas non plus.  C'est alors qu'il se souvient d'un surnom affectueux que Jean Gabin avait donné à sa fille: LA POUNE.  En arrivant au théâtre le soir, je vis sur la marquise qui annonçait en grosse lettres bien grasses:TI-ZOUNE  et LA POUNE."  Voilà donc l'origine du nom de ce personnage.   Un bonnet blanc, des «steppettes et clins d’oeil, des blagues, souvent improvisées sur canevas, c’est à la base de son personnage.

En 1928 et jusqu’en 1935, Rose Ouellette devient directrice du théâtre Cartier à Saint-Henri et forme une troupe de vaudeville qui compte dans ses rangs Juliette Pétrie, qui sera sa comparse durant plusieurs décennies.  En plus du burlesque, à travers le set numéros de cirque, c’est la course jusqu’au théâtre Dominion (aujourd’hui Théâtre des Variétés) entre deux représentations au Cartier.  Rose Ouellette voit à tout, la première des choses étant de préparer une nouvelle revue chaque semaine. Une seule pensée: faire rire et s’évader du quotidien des gens dont beaucoup sont au chômage ou aux «secours directs ».  Pendant une saison, elle dirige le Théâtre Canadien, situé sur la rue St-Jean à Québec.
 

En 1930, La Poune enregistre une série de sketches et de chansons comiques, dont plusieurs avec Paul Hébert, Aurèle Dumont et Théo Brulotte. Elle est une des premières au Québec à endisquer des chansons quand elle signe avec RCA Victor.  C’était bien avant que les artistes touchent un pourcentage sur la vente des disques.
 
En 1936, Rose Ouellette prend temporairement la direction du Théâtre National.  L’aventure dure dix-sept ans.  Elle devient ainsi la première femme directrice d’un théâtre au Canada.  Elle est à la fois productrice, directrice, responsable de l’embauche des comédiens et de l’ordre des numéros, auteur des sketches et comédienne.  Pour faire fonctionner son théâtre, elle forme sa propre troupe composée d’Arthur et Juliette Pétrie, d’Aurèle Dumont, d’Armand Lacroix et des danseurs Géraldo et Reynaldo.  Pendant ces dix sept années, la foule se presse, tous les soirs, aux portes du National pour entendre La Poune entonner sa chanson-thème C'est d'la faute à poupa.  Pour 20 cents, le spectateur a droit à deux films, les actualités, un dessin animé et la revue avec la Poune. 

 

Rose Ouellette quitte son poste en 1953 pour se joindre à la troupe de Jean Grimaldi avec laquelle elle effectuera, durant quelques saisons, des tournées dans tout le Québec.  À la belle époque du burlesque, La Poune est extrêmement populaire, mais ce genre de spectacles est boudé par l'élite, par les journaux et la radio qui commence. On la trouve vulgaire, mais n’empêche que pendant près de vingt ans, sous sa gouverne, ce théâtre aura fait salle comble, sept jours par semaine, avec un nouveau spectacle chaque lundi.  À titre de directrice, elle lance plusieurs artistes, dont Alys Robitaille alors qu'elle n'a que treize ans, et qu'elle rebaptise Alys Robi.

 

En 1958, Rose Ouellette entreprend une carrière au cabaret qui durera plus de vingt cinq ans; entre 1971 et 1980, elle donnera la réplique à Juliette Pétrie, à Gerry Morelle, à Simone Mercier, à Gaston Boileau et à Louis Armel.  Durant les années 1950, les clubs montréalais sont à leur apogée. La Poune donne son numéro au Mocambo, au Caté de l’Est avec Juliette Pétrie, au Radio Cité de Jean Grimaldi.

En 1981, grâce à Réjean Lefrançois, Rose Ouellette joue dans un théâtre d’été, un premier à texte, dans la comédie de boulevard Boeing Boeing.  On la découvre et c'est le début d’une seconde carrière.
 

Le 31 décembre 1982, elle vole littéralement la vedette avec deux sketches marquants du Bye-Bye 1982. Elle danse le Pied de Poune sur l’air du Pied de poule, puis, dans une parodie du téléroman Terre humaine, elle descend du ciel déguisé en E.T. l’extra terrestre.
Rose Ouellette est l’une des premières femmes à avoir connu la célébrité en tant que comédienne au Québec. 

Longtemps snobée par les milieux intellectuels, elle avait fini par obtenir une certaine consécration en 1990 en recevant l'insigne de l'Ordre national du Québec après 75 ans d'une carrière bien remplie.

En 1991, alors âgée de 87 ans, et 75 ans de carrière derrière elle, elle part en tournée avec Roger Sylvain, son straight-man, pour aller à la rencontre de son public bien-aimé. (Roger Sylvain est un chanteur, animateur et journaliste mais il est surtout reconnu pour quelqu’un qui se fait un devoir, avec un évident plaisir, d’accompagner, de visiter et de ramener à la mémoire collective, les artistes d’autrefois. Ces artistes qui jadis, ont fait le bonheur du public, à l’époque pas si lointaine de l’âge d’or des cabarets et des heures de gloire du petit écran. On lui doit également les biographies de Olivier Guimond et Steve Fiset.)

Longtemps snobée par le petit écran, elle fait ses débuts à la télévision dans Les Deux Valses, présentée par la SRC en 1960.  Puis on la retrouve, l'année suivante, dans la série humoristique Télé-surprise » (CFTM).  Plus tard, elle tient des rôles épisodiques dans diverses téléromans Rue des pignons 1975; Chère Isabelle 1976-1977; Les Brillant 1979-1982 et Les Moineau et les Pinson 1982 -1985, pour ne citer que ceux-là.

Au cinéma, elle tient des rôles dans Cœur de maman, L'Apparition et Les Aventures d'une jeune veuve de Roger Fournier. 

Après une carrière qui a duré trois quarts de siècle, la grande artiste comique prend véritablement sa retraite qu'à l'âge de 90 ans.

Rose Ouellette, La Poune, c’est plus d’une trentaine de 78 tours, participation à une dizaine de 33 tours, un douzaine de rôles à la télévision, quatre pièces de théâtre, cinq films mais c’est surtout et avant tout celle qui aura fait crouler de rire le Québec pendant 75 ans.
 

Rose Ouellette s'est éteinte  tout doucement  le 14 septembre 1996 à l’âge de 93 ans.

 

L'écrivain Michel Tremblay s'est d'ailleurs servi de son personnage dans sa série de chroniques du Plateau Mont-Royal.  Il dira d’elle : "C’était une femme forte, qui, avant, pendant et après la guerre, a osé être une directrice de théâtre.  Elle a pris des initiatives nouvelles à une époque où les femmes ne s‘affirmaient pas.  C’est une femme extraordinaire, qui a mené sa destinée… ".

Liste sommaire des artistes avec qui elle a travaillé dans des émissions et films, qui sont nommés

sur ce site:

Béliveau, Juliette: (1966-1977) "Rue des Pignons".
Berval, Paul: (1979-1982) "Chez Denise".

Blanchard, Claude: (1979-1982) "Chez Denise" .
Chabanel: debut 1957 avec La Poune.
Desmarteaux, Paul: Années 1940 straightman de La Poune; (1952) le film "Cœur de maman".
Desrosiers, Jacques: (1976-1977) "Chère Isabelle"; (1979-1982) "Chez Denise".
Duceppe, Jean: (1966-1977) "Rue des Pignons".
Ducharme, Yvan: (1982-1985) "Les Moineau et les Pinson" .
Filiatrault Denise: (1979-1982) "Chez Denise".
Latulippe, Gilles: (1966 -1977)  " Rue des Pignons": (1979-1982) "Les Brillant".
Légaré, Ovila: (1966-1977) "Rue des Pignons."
Pierre Labelle/ René Angelil: (1972) le film "L'apparition"; (1976-1977) "Chère Isabelle".
Les Cyniques: (1974) le film "Les Aventures d'une jeune vierge" André Dubois: (1982-1985)

"Vaut mieux en rire".
Les Jérolas/ Jean Lapointe / Jérome Lemay: (1979) "Les brillant".
Michel. Dominique: (1974) le film "Les Aventures d'une jeune vierge"; (1976-1977) "Chère Isabelle".
Moreau, Jean-Guy: (1982) le film "Scandale"; Le Bye-Bye 1982; (1982-1985) "Vaut mieux en rire".
Noël, Michel: (1976-1977) "Chère Isabelle".
Claude Meunier/ Serge Thérriault: "Le Bye-Bye 1982".
Pellerin, Gilles: (1974) le film "Les Aventures d'une jeune vierge".
Rivest, Léo: (1982-1985) "Les Moineau et les Pinson".
Tex Lecor et Roger Joubert: (1979-1982) "Chez Denise".
Réal Béland:(1974) le film "Les Aventures d'une jeune vierge"; (1982-1985) "Vaut mieux en rire".

Discographie partielle:

La Poune Quand Madame rose Ouellet chantait tout le monde s’amusait / Carnaval/ C-417 / 1962

Cordélia et Tiphonse / Victor "His Master Voice" / 263719

Sources:

1996 Le soleil, 15 septembre, P. A6, P.C.
1996 La presse, 15 septembre,  P. A1. A2. B.6, Éric Trottier
StarQébec .net

Extrait du livre " Rose Ouellette "La Poune"  Vous faire rire c'est ma vie » aux Éditions Québécor 1983